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Complexes

Ils sont là. Invisibles pour certains, visibles pour d'autres, mais surtout visibles pour nous.

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AUTOPORTRAIT

Je devais avoir une dizaine d'années quand j'ai sauté dans une piscine gonflable d'une amie, lors de son anniversaire. Malheureusement pour moi, mauvais calcul de profondeur, je me suis tapée le menton contre le fond de la piscine. Mes deux dents de devant ont été fragilisées et cassées. Je me souviens encore des petits morceaux de dents cassés dans ma bouche. Certes c'était léger, mon dentiste les a limées pour les remettre au même niveau.
Quelques années plus tard, j'étais en train de réaliser un bracelet manchette en perles, celui où tu as besoin d'une aiguille pour faire passer le fil. L'aiguille s'est bloquée dans une perle. A ce moment, j'ai eu la "bonne" idée, de me servir de mes dents pour tirer sur l'aiguille. Dent VS aiguille, qui gagne ? Je peux vous le dire, ce n'est pas ma dent. Mon incisive supérieure droite s'est à nouveau cassée. Le dentiste n'a pas pu me les limer davantage. Depuis, je focalise dessus, j'ai la sensation qu'on ne voit que ça quand je souris.

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MANON

"Planche à repasser", "t'es plate", "t'as jamais pensé à te refaire faire les seins ?" Ces remarques c'est celles que j'ai entendu et que j'entends encore parfois dans mon quotidien.
Ma poitrine : un complexe que je traine depuis mon adolescence.

Mon entrée dans la vie professionnelle n'a rien arrangé. Je travaille dans la lingerie et je peux vous le dire des belles poitrines j'en vois défiler. Les seins, symbole absolu de la féminité ! 

Ma perte de poids ne m'a pas vraiment aidé non plus. Je les ai vu disparaitre petit à petit, sans avoir aucun contrôle dessus.

Tricher avec un push-up ou abandonner le soutien-gorge ? Penser à faire de la chirurgie, économiser une grosse somme d'agent pour lutter contre ce complexe ou apprendre à m'accepter tout simplement ? Ce sont des questions auxquelles je n'ai pas encore de réponse.

Cela ne vous choque peut être pas, vous n'y faites surement même pas attention, mais pour moi c'est un petit manque au quotidien.

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EMILIEN

A l'école, les enfants se moquaient de moi. Mes cheveux de la couleur du feu et mes tâches de rousseur dérangeaient.

Ces moqueries me paraissent bien lointaines aujourd'hui ; mais à l'époque, je dois l'avouer, me faisaient sentir différent des autres. Je me suis senti seul, rejeté. Mais le pire c'est que je me trouvais laid.

En grandissant, j'ai évolué sur la question. Mon physique m'importait moins. Je n'avais plus besoin de leur plaire. Et c'est à ce moment là, que les critiques et les remarques ont cessé.

Un jour, une fille m'a dit qu'elle me trouvait beau, qu'elle aimait ma différence. Je n'y croyais pas. Mais c'est là que j'ai compris que je pouvais plaire. Aujourd'hui je suis très heureux avec celle qui partage ma vie, je me sens beau, je nous trouve beaux.

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JUSTINE

J'ai toujours trouvé mon corps trop mince, maigre aux yeux de certains. Dans une société où le culte de la minceur est très présent, on n'écoute pas ceux qui veulent prendre du poids.

En septembre 2018, on m'a diagnostiqué une maladie du cœur. Quelques mois après il a fallu me placer un défibrillateur cardiaque : petit boîtier de la taille d'un disque dur placé au niveau de mes côtes du côté gauche. Ma plus grande angoisse était que ce dernier prenne une place trop importante sur un corps comme le mien. C'était un vrai défi pour ma chirurgienne qui a voulu que cela se voit le moins possible.

Aujourd'hui il est mon ange gardien, malgré une période d'adaptation physique et mentale, je commence à l'oublier.

J'aimerais que cette photo soit un témoignage pour les futures patientes qui hésitent encore à se soigner pour des raison esthétiques. Il est très difficile de trouver des images médicales sur internet qui correspondent à la réalité.

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LAURANNE

Je suis née avec une malformation cardiaque. J’ai été opérée à deux reprises, entre 0 et 6 mois. Grâce à ces interventions, j’ai pu vivre, et ce, de manière tout à fait normale.

Même si je n’ai aucun souvenir de mes passages à l’hôpital, j’en porterai les stigmates toute ma vie : une cicatrice sur le torse, l’autre sur le flanc gauche, ainsi que les empreintes des agrafes et des drains. Petite, j’exhibais mes blessures de guerre à mes camarades, mi-amusés, mi-effrayés. Puis j’ai pris conscience de la lourdeur de l’intervention et de la charge émotionnelle qu’elles représentaient pour mes proches. J’ai commencé à me méfier de mes cicatrices, de ce qu’elles renvoyaient comme message, et des réactions qu’elles pouvaient susciter. J'avais peur d'être perçue comme quelqu'un de faible. Contre toute attente, elles ont été un atout de séduction pour aborder mon amoureux, étudiant en médecine !

Même si, encore aujourd’hui, je ne suis pas complètement décomplexée, mes cicatrices m’apportent de la force et elles m’aident à relativiser mon quotidien. En me regardant dans le miroir, je me dis "Si le petit bébé que tu as été a survécu à ça, tu peux tout surmonter !".

J’espère que mon histoire raisonnera chez tous ceux qui ont été vulnérables physiquement ou psychologiquement à un moment de leur vie. Vous êtes encore là, et vous pouvez en être fier.

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CHARLOTTE

J'ai toujours été une fille "enrobée". En l'espace de quelques années, après des déceptions amoureuses, familiales et professionnelles, j'ai pris du poids. C'est à ce moment que mes vergetures se sont dessinées.

J'ai un ventre à motif zébré.

Aujourd'hui, je les ai acceptées, elles font partie de moi et portent mon histoire. Ce sont comme des tatouages que nous n'avons pas eu le choix d'avoir.

À cause de l'image que notre société renvoie de la femme, j'en ai eu honte. Ces cicatrices sont là et ne partiront pas alors pourquoi les détester plutôt que les aimer ?

Charlotte

CHARLOTTE

« Tu es tombée ? Tu as pris un coup ? Qu’est ce que c’est sur ton nez ? C’est une tâche de vin ? » Et non ! C’est MA tâche de naissance bande de curieux.

Le complexe ? Il me semble que j’ai presque réussi à me l’épargner. Il ne vient pas forcement de nous-même initialement, mais de notre société.

Pendant mes années collège, j’ai fait quelques séances de laser sans vraiment comprendre pourquoi. Je pense aujourd’hui que ça venait seulement de tous les propos de proches ou d’inconnus que je pouvais entendre autour de moi. Maintenant je la vois comme un attrait unique, faisant partie d’un tout, de moi.

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ALIX

“T’as du chocolat !”, “t’as une tache !”, “Tu as quelque chose sur le coin de la lèvre". Voici les  remarques que l'on m'a faites concernant mon grain de beauté. Il est apparu en grandissant, à un endroit où on ne peut pas le louper. Pendant mon adolescence, j'ai pris toutes ces réflexions à cœur. Durant cette période, j’ai réfléchi à me le faire enlever, mais la peur d'avoir une cicatrice m'a vite découragée. Aujourd'hui, j’ai vieilli et j'essaie de l'accepter. Je ne le maquille plus. Mes proches m'ont même dit que c'était un atout, alors peut-eÌ‚tre que j’ai de la chance au final.

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CLAIRE

Vous faites quoi comme sport ? Sûrement la question à laquelle j’ai du répondre le plus souvent depuis mon adolescence, époque où je nageais encore deux fois par jour.
Ce physique qui me vaut tant de remarques aujourd’hui a été construit durant plusieurs années, notamment à travers d'efforts que la plupart des gens ne connaîtront jamais. Des efforts qui m’ont appris le dépassement de soi, la discipline, une connaissance extrême de mon corps et de ses limites. C’est drôle pour moi d'entendre et de savoir que mon physique peut impressionner, voire même créer des complexes à certains hommes. Il y aura toujours des personnes qui auront quelque chose à dire lorsqu'on ne rentre pas exactement dans la norme, n’est-ce pas ?
Je garde en tête que le plus important ce n’est pas de m’inquiéter de l’image que je renvoie mais de réaliser de quoi mon corps est capable.
Et vous, vous faites quoi comme sport ?

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SARAH

Je me souviens de la première fois que je me suis épilée, suite à une remarque d'un garçon de ma classe. J'avais 12 ans, et vexée, j'ai tout rasé, même les avant-bras ! Je voulais devenir une femme, une vraie, une qui à la peau lisse ! A 15 ans, une de mes amie m'a fait comprendre que personne ne voudrait de moi si je ne m’épilais pas intégralement. À 20 ans, un garçon m'a dit que je le dégoutais, car j'avais quelques millimètres de poils sous les bras. Durant des années, je me faisais souffrir à m’épiler pour tenter de correspondre à cette image que la société attendait d'une femme. La vue de poils me dégoutait. Je me sentais sale, et indigne d'être aimée.

Et puis j'ai grandi, j'ai évolué, j'ai appris à accepter mon corps, avec ses défauts et ses qualités. L'hiver dernier, j'ai tenté l'expérience : ne pas s'épiler. Je voulais voir ce que ça faisait de s'accepter, de laisser pousser. Je me suis prise de nombreuses remarques, de femmes surtout : "mais t'as pensé aux autres ?", "tu deviens un homme maintenant ?", "hippie sans hygiène", "jamais personne ne te touchera, même avec un bâton". Bref, une violence gratuite sans retenue, mais surtout sans se rendre compte qu'il s'agissait de normes sociales qu'elles s'imposaient, et voulaient m'imposer. J'ai tenu bon, convaincue que la nature m'a donné ce corps avec ces poils, qui ne sont en aucun cas une entrave à ma féminité.

Depuis un an je n'ai pas touché à mes poils. Et je ne me suis jamais sentie aussi belle, aussi femme, aussi moi.

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JULIA

Mes fesses. Certains diront sans doute que mes fesses sont belles. Mais l'important ce n'est pas ce que les gens disent mais ce que j'en pense.

Quand on me dit « t'as un bon cul », j entends « t'as un bon gros cul ».

Quand on me dit « t'as pas du sang africain ? » , j'entends une remarque raciste.

Quand on me dit « imagine si tu te mettais au sport quel cul tu aurais ?! » j'entends « Bouge tes grosses fesses » .

Quand on me dit « la première chose que j'ai vu c'est ton cul » j'entends « ça dépasse de tous les côtés ».

Toutes ces remarques agaçantes n'ont fait qu'accroître la gêne que je ressens. Cette chose grasse, flasque qui tombe que je traine derrière moi...

Un jour je l'espère je dépasserai ce complexe.

Et toi que pourrais tu me dire ?

Et surtout, qu'entendrais-je ?

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MARINE

Fins, musclés, gros, épais, dessinés... poilus parfois : les bras.

Tout à commencé au collège, avec les remarques de mes camarades "tu es poilue !", "tu as plus de poils que les garçons". Moi qui n'y avait jamais vraiment porté attention, j'ai commencé à y penser de plus en plus. L'été je portais des gilets pour cacher mes bras. Quand je rencontrais des gens, je croisais les bras pour les dissimuler. J'ai fini par complexer. Les années sont passées et les critiques ne se sont pourtant pas atténuées : "pourquoi tu ne t'épiles pas ?" "Ça craint, tu en as plus que moi.", "c'est plus joli, une fille sans poils quand même".

Évidemment que l'idée de me raser ou de filer chez l’esthéticienne pour tout me faire enlever m'a traversée l'esprit plus d'une fois. Mais je dois l'avouer la peur de rentrer dans le cercle infernal de la repousse a été plus forte.

Puis un jour, j'ai rencontré d'autres filles, brunes, elles aussi. Des filles qui avaient des poils bruns sur les bras, comme moi. Pour elles ça n'avait jamais été un problème. A vrai dire je pense même qu'elles ne s'étaient jamais posées cette question. C'est à ce moment que j'ai réalisé, que tout ça été absurde. Ces filles m'avaient redonnées confiance.

Aujourd'hui, je ne porte plus de gilet !

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JEAN-FRANÇOIS

" - Vous avez un chat dans la gorge ?

- Non un crabe..."

Et là, le regard change, partagé entre la peine, la compassion et la peur de ce mal qui ronge silencieusement.

Entre cette voix transformée à jamais et les stigmates du scalpel sur le corps qui montrent qu'une vie peut changer aussi vite qu'un claquement de fouet, le même reçu que le jour du diagnostic.

Une pensée émue pour ceux qui nous entourent et particulièrement aux conjoints qui encaissent autant que nous, sans le soutien des médecins, infirmiers et radiologues... qui mettent une énergie folle à nous soigner, toujours avec un petit mot gentil.

Pour moi, l'expression "carpe diem" n'a jamais eu autant de sens qu'aujourd'hui.

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Charline

CHARLINE

Dans notre société, le culte de la peau parfaite est ancré dans les mœurs. Or, depuis quelques mois, un eczéma inexpliqué est apparu sur mes bras, mes poignets et mes mains.

Masseur-kinésithérapeute de profession, le port quotidien d’une blouse blanche à manches courtes m’est obligatoire, laissant apparaître aux yeux de mes patients ces plaques rougeâtres, plus ou moins marquées selon les jours. Dans ce métier où le contact physique est omniprésent et inévitable, mes mains sont mon principal outil de travail. Bien que non contagieux, je redoutais le regard de mes patients. Réticence ? Peur ? Dégoût ? Je me suis surprise à mentir à certains, prétextant qu’il s’agissait d’une brûlure aux mains, par peur d’une réaction négative.

Et vous ? Quel sentiment ressentirez-vous à la vue de cet eczéma sur votre kiné ?

Lisa

LISA

Suite à trois tumeurs à la moelle épinière je suis en fauteuil roulant depuis mes 13ans. Aujourd'hui, je ne peux pas entièrement utiliser mes jambes. Les gens pensent souvent que ce qui me complexe le plus est d'être en fauteuil mais en réalité ce n'est pas cette charrette qui me porte mais bien mes jambes qui me complexent. Elles sont différentes, une fine et l'autre plus épaisse, j'ai également un pied plus gros que l'autre. Au quotidien je ne fais plus réellement attention au regard des gens, mais quand je dois me mettre en maillot, en short ou en robe, ça devient beaucoup plus difficile pour moi, car c'est la partie de mon corps que je n'aime pas et que je ne veux pas voir.

CAMILLE

À la plage sous 30 degrés, avec un dos nu ou une robe à bretelles, quel plaisir de s’attacher les cheveux.

Se faire un chignon, une queue de cheval : une habitude pour certaines, une hantise pour d’autres.

Ce geste anodin et même quotidien je me l’interdis.

A mes yeux le regard des autres ne sera pas porté sur mes jolies boucles d’oreilles ou même sur l’élégance de ma coiffure, non il sera fixé sur mes oreilles.

Un complexe fruit de petites réflexions "anodines" de parents ou de proches au stade de l’enfance ou de l’adolescence. "Elles sont tout à fait normales" me rabâchent mes amies. Évidement ces remarques on ne les entend pas, une dizaine de compliments contre un avis négatif et c’est ce dernier que l’on retient. Triste me direz vous ? Non seulement un complexe.

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